SAHARA OCCIDENTAL: LES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENTRE PARIS ET ALGER MENACÉES?
Photo: Algerie360
L’Algérie exporte surtout du pétrole et du gaz à la France. Et bénéficie de longue date d’investissements de TotalEnergies
En soutenant le projet du Maroc relatif à l’autonomie du Sahara occidental, la France a hérissé les autorités algériennes. La querelle autour de cette ex-colonie espagnole est ancienne : son annexion par Rabat en 1975 n’a jamais été admise par le Front Polisario, mouvement indépendantiste soutenu par l’Algérie. Le Maroc propose aujourd’hui d’installer un gouvernement autonome, l’Etat marocain conservant ses attributs liés à la souveraineté ainsi que ses prérogatives dans la défense.
En réaction, l’Algérie a décidé du retrait immédiat de son ambassadeur à Paris. Alger tempête, Alger menace. Ce mouvement d’humeur pourrait-il avoir davantage de conséquences, y compris sur le plan économique ? Les liens entre nos deux pays se concentrent pour beaucoup sur les hydrocarbures. Or jusqu’à présent, “les relations énergétiques, très anciennes, entre la France et l’Algérie étaient bonnes”, affirme Francis Perrin, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et membre du think tank marocain Policy Center for the New South.
En plus d’importer du pétrole et du gaz algériens, les entreprises françaises apportent des capitaux : la Banque de France avait recensé 2,4 milliards d’euros d’IDE (investissements directs étrangers) en 2022, plaçant l’Hexagone en troisième place derrière les Etats-Unis et l’Italie. En tête de pont, TotalEnergies, implanté dans le pays depuis plusieurs décennies, et partenaire de Sonatrach, la compagnie nationale algérienne. Le champion tricolore de l’énergie explore et produit pétrole et gaz au travers de participations dans les champs gaziers de Tin Fouyé Tabankort et de Timimoun, et les champs à huile du bassin de Berkine. Il est également actif dans le gaz naturel liquéfié.
Les affaires continueront entre Paris et Alger
L’an dernier, la production de l’entreprise française en Algérie a atteint 51 milliers de barils équivalent pétrole (kbep) par jour, à comparer aux 2 483 kbep/jour d’hydrocarbures produits par TotalEnergies dans le monde, soit 2 % du total. Des développements sont prévus sur Tin Fouyé Tabankort, confortés par une validation, le 15 octobre 2023, de la conversion de contrats de production. L’objectif est de porter la production de ces champs à plus de 100 kbep/jour d’ici 2026. Dans la région de Timimoun, un protocole d’accord a été signé avec Sonatrach en avril dernier, préalable à la signature d’un contrat portant sur les ressources gazières locales. Sollicité par L’Express, le groupe “affirme sa volonté d’accompagner le développement économique en lançant de nouveaux programmes d’investissements contribuant au développement du pays”.
Mais cette relation historique est-elle susceptible d’être remise en question ? Pour Francis Perrin, si une réaction diplomatique apparaît spectaculaire mais facilement réversible, il n’en va pas de même dans le monde des affaires. “Il serait dangereux pour l’Algérie de sortir d’un contrat signé par les deux parties”, souligne le chercheur, sceptique à l’égard d’un tel scénario. Outre de potentiels dommages et intérêts, Alger risquerait de faire fuir les IDE d’autres pays. S’agissant des projets en cours de négociation, la question se pose davantage. “Mais si les discussions sont avancées, cela signifierait repartir de zéro avec un autre acteur. Il n’est pas certain que ce soit dans l’intérêt national”, tempère Francis Perrin. Les autorités algériennes se tourneront-elles vers d’autres partenaires européens, comme l’Italie et l’Espagne ? Le spécialiste de l’énergie ne croit pas à une décision prise sur un coup de tête, dans un secteur aussi stratégique.
Du point de vue de la France, l’enjeu est moins fondamental. “L’Algérie représente environ 8 % des importations gazières et autour de 10 % des approvisionnements en pétrole de la France”, chiffre Francis Perrin. Loin d’un partenaire comme la Norvège, par exemple, qui fournit 40 % du gaz français.